«A bon entendeur…»

La fatigue auditive menace les « auditeurs actifs » que sont les ingénieurs du son, les sonorisateurs, les musiciens. Pour eux il est vital de se protéger contre l’exposition prolongée à des niveaux sonores élevés. Une solution pratique existe : des atténuateurs pour les oreilles, qui ne déforment pas les perceptions auditives. C’est l’occasion d’aller faire un tour chez un audioprothésiste avant qu’il ne soit trop tard.

« Avoir l’oreille fine » est une nécessité pour les professionnels du son. C’est évident. Si la plus grande majorité des gens possède deux oreilles, bien s’en servir nécessite un apprentissage, une véritable éducation. La découverte du monde sonore est un exercice passionnant. Chacun sait que les sensations auditives sont bien plus que le véhicule d’informations. Elles peuvent faire vibrer les cordes sensibles de nos émotions, réveillant parfois des souvenirs qu’on croyait disparus. L’écoute est, comme la dégustation des vins, une science qui requiert non seulement du talent mais aussi du temps. Paradoxalement, à mesure que le temps s’écoule et que l’exploration sonore forge le « spécialiste du son », ses oreilles s’émoussent. Dès le début de l’âge adulte, le sens de l’ouïe perd de son acuité et la sensibilité aux fréquences aiguës diminue, lentement mais sûrement. Contre ce phénomène de vieillissement, il n’y a pas grand-chose à faire. Un danger guette cependant l’explorateur du monde sonore : sournoisement, l’exposition prolongée à des niveaux élevés peut provoquer des pertes définitives de la sensibilité. Surdité permanente, sifflements ou bourdonnements en sont les conséquences catastrophiques. Cela peut briser une carrière mais aussi provoquer un isolement très difficile à vivre. Il convient donc de se protéger activement et penser à ne jamais dépasser les doses. La fatigue auditive se traduit par une diminution passagère de l’acuité de l’oreille après une simulation sonore. C’est un processus métabolique qui, comme la fatigue musculaire, est lié au manque d’oxygène. Une fatigue prolongée de l’ouïe devient irréversible : c’est alors que peuvent apparaître des surdités. Le monde du travail a fixé des normes à respecter. On a estimé que la dose journalière admissible était de 8 heures d’exposition à un niveau sonore de 85dB(A), ou de 4 heures d’exposition à un niveau de 88dB(A), ou de 2 heures d’exposition à un niveau de 91dB(A). On le constate, le temps d’expositions doit être réduit de moitié à chaque fois que le niveau de la dose de bruit augmente de 3 dB(A). Sachant que la loi admet que de la musique amplifiée soit diffusée jusqu’à des niveaux de 90dB(A), et en admettant que cette règle soit respectée, on voit qu’il est dangereux de baigner dans un tel environnement sonore pendant plus de deux heures. Si le niveau devait s’élever au-dessus de la norme de +3 dB(A), il faudrait réduire le temps d’exposition par deux sans quoi on risque de compromettre les sensations auditives à venir… Boîtes de nuit et concerts à l’amplification « musclée » sont vraiment des endroits dangereux. La règle d’or pour la survie de l’oreille est donc de ne pas s’exposer à des sources sonores intenses. Pour le musicien ou l’ingénieur du son, il est certainement difficile de travailler en respectant ces règles. Certains styles musicaux produisent plus de « bruit » et plus fort que d’autres et on se voit mal diffuser un concert à faible volume pour 5000 fans excités. Le problème est que les lois de la physique sont ce qu’elles sont : inévitables. Le professionnel du son qui voudrait s’y soustraire sera durement sanctionné, dans sa chair… Il faut donc penser sérieusement le problème et mettre en oeuvre toutes les solutions possibles. Le choix d’un niveau sonore confortable est indispensable et un petit coup d’oeil au sonomètre sera bien utile pour fixer quelques repères. Si malgré tout vous devez travailler longtemps à haut niveau, il existe un moyen efficace pour se protéger. Il s’agit d’un embout moulé sur mesure qui contient un atténuateur de 15 dB. La qualité de l’écoute n’est pas altérée, l’atténuation a lieu de manière égale à toutes les fréquences. Le principe de base du système fait référence à l’effet « etymotic », bien connu des spécialistes de l’Audiologie, et qui décrit l’amplification naturelle de l’ensemble « conduit auditif externe / pavillon ». Le résultat, une atténuation de 15 dB uniformément à toutes les fréquences audibles, est obtenu grâce à la combinaison d’une membrane, d’un résonateur et d’une masse acoustiques. L’impédance acoustique est réglée finement pour chaque embout. La réalisation pratique nécessite de se laisser prendre une empreinte de chaque conduit auditif par un audioprothésiste qualifié. Les embouts réglés et ajustés à vos mesures sont réalisés en une quinzaine de jours. Ajoutons que le prix d’une paire de ces « bouchons intelligents » ne dépasse pas celui d’un casque Hi-Fi de qualité moyenne. Autant dire qu’il s’agit de l’accessoire le plus indispensable pour le professionnel du son qui se respecte, alors pourquoi continuer à se casser les oreilles ?

Philippe Vandendriessche.